caguirofie

哲学いろいろ

Augustin 28

Isaac de Beausobre (1659-1738), pasteur protestant

« Pour moi, que le ciel a préservé de l’Esprit de l’Église, qui ne connais point de plus grand bien que la liberté de penser, de plus douce occupation que la recherche de la Vérité, ni de plus grand plaisir quer celui de la trouver et de la dire, pour moi, dis-je, j’ai étudié l’histoire de l’Église avec le moins de préjugé qu’il m’a été possible. Et comme l’histoire des sectes en fait une partie très considérable, dès que j’eus ôté le bandeau du préjugé, je m’aperçus bientôt qu’il n’y en avait point de plus falsifiée et je regardai ces fausses histoires d’un œil bien différent de celui dont on a coutume de les regarder. Comme j’aime beaucoup, par la grâce de Dieu, la religion de notre Sauveur et que je donne toute mon attention à la confirmer, les extravagances, les impudicités, les abominations que l’on a attribué à quantité de sociétés qui invoquaient le nom de Jésus-Christ, me parurent autant d’outrages que l’on faisait au christianisme. Je ne pus lire sans indignation ces histoires évidemment fabuleuses des anciennes sectes, que l’on charge à l’envi d’erreurs monstrueuses et de cérémonies infâmes. Tout cela est l’ouvrage d’un zèle indiscret, d’une impudente crédulité, très souvent de la précipitation et du mal entendu. (...) Commençons par une réflexion commune mais malheureusement trop véritable. De tous temps, les sectes rivales se sont mutuellement accusées de mystères profanes ou ridicules. Les païens en ont accusé les Juifs ; les Juifs en accusèrent les Chrétiens et publièrent partout que les incestes d'Œdipe et les festins de Thyeste étaient leurs cérémonies sacrées. Les Chrétiens rejetèrent ces crimes sur les Gnostiques. Nous les connaissons par Plotin qui les a combattus. Ce philosophe sévère et régulier ne leur reproche aucun de ces crimes. Il les taxe seulement d’orgueil et remarque que leur maxime générale était qu’il fallait regarder à Dieu et l’imiter (...)
Quoi qu’il en soit, c’était l’ancien et constant usage de toutes les sectes de se calomnier mutuellement ; les Grecs le font à l’égard des Latins, les Latins à l’égard des Grecs et les Grecs et les Latins à l’égard des communautés orientales. On sait ce que l’on a publié contre les Vaudois et les Albigeois et au commencement du XVIe siècle contre les Luthériens et les Réformés. Si l’Église romaine était venue à bout de les extirper dès leur naissance, ils passeraient aujourd’hui pour les plus infâmes hérétiques, d’où je conclus qu’il ne faut pas ajouter foi légèrement à ce que quelques-uns des Pères nous disent des Mystères des Manichéens. L’accusation la plus commune et la plus ancienne est qu’ils usaient de magie. On la trouve dans les Actes d’Archelaüs. La raison l’a fait tomber, je vais faire tomber celle de l’obscénité, encore plus incroyable que l’autre.
Je ne répèterai pas ce que Cyrille et saint Augustin nous disent de l’Eucharistie manichéenne... (Isaac de Beausobre, Histoire de Manichée et du Manichéisme, Amsterdam, 1739) »