caguirofie

哲学いろいろ

Augustin 2

L’enfance et la jeunesse, de 354 à 383


Augustin narre sa jeunesse dans ses Confessions6.

Lorsque naît Augustin, la ville de Thagaste en Numidie (actuelle Souk-Ahras, Algérie) existe depuis environ 300 ans7. Ce n'est pas une colonie mais un municipe d'Afrique romaine depuis environ deux siècles qui appartient à la province de Numidie8. La ville de Thagaste est située à un peu plus de 90 km de la Méditerranée et à 600 mètres d'altitude.
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Le père d'Augustin, un berbère romanisé citoyen romain païen du nom de Patricius, d'origine modeste, n'avait pas fait d'études. Son épouse, Monique était une chrétienne berbère9. Elle convertit son mari au christianisme à la fin de sa vie et ne cessa jamais d'espérer qu'Augustin rejoigne sa religion. Si ce dernier ne fut pas baptisé à la naissance, c'est parce que ce n'était pas encore l'usage de baptiser les enfants. Il était même courant au début de la chrétienté de baptiser sur le lit de mort [en effet, le baptême efface tous les péchés mais on ne peut être baptisé qu'une fois ; plus tard l'usage du sacrement de pénitence (la confession) permettra de baptiser dès que possible en ayant recours à la confession en cas de péché].

Augustin avait un frère, Navigius, et une sœur, future supérieure du monastère d'Hippone. Leur langue maternelle est le latin. Augustin se définit lui-même comme un écrivain punique. Mais il n'est pas certain qu'il ait connu les dialectes africains locaux10, sa culture étant foncièrement latine11 : élève doué mais indocile, il détestait l’école et craignait le châtiment de ses maîtres.

La principale façon de s'élever socialement consistait en l'éducation, et le père d'Augustin amassa des économies pour que ses fils puissent bénéficier d'une éducation classique. Augustin se destinait au métier d'avocat. Il étudie d’abord à Madaure avec des professeurs païens (actuelle M'daourouch, Algérie) à partir de l’âge de quinze ans, où les études sont centrées sur l’éloquence et la mémoire, ce qu’il critiquera dans ses Confessions (livre I)12. Son père manquant d'argent, il dut revenir à la maison familiale alors qu'il avait seize ans. À cette époque, il commet de menus larcins avec des compagnons peu recommandables. Ainsi du célèbre vol des poires13 commis non par besoin, mais par plaisir de la transgression.


« Arbor erat pirus in vicinia nostrae vineae pomis onusta nec forma nec sapore illecebrosis. Ad hanc excutiendam atque asportandam nequissimi adulescentuli perreximus nocte intempesta, quousque ludum de pestilentiae more in areis produxeramus, et abstulimus inde onera ingentia non ad nostras epulas, sed vel proicienda porcis, etiamsi aliquid inde comedimus, dum tamen fieret a nobis quod eo liberet, quo non liceret. »


« Dans le voisinage de nos vignes était un poirier chargé de fruits qui n’avaient aucun attrait de saveur ou de beauté. Nous allâmes, une troupe de jeunes vauriens, secouer et dépouiller cet arbre, vers le milieu de la nuit, ayant prolongé nos jeux jusqu’à cette heure, selon notre détestable habitude, et nous en rapportâmes de grandes charges, non pour en faire régal, si toutefois nous y goûtâmes, mais ne fût-ce que pour les jeter aux pourceaux : simple plaisir de faire ce qui était défendu. »

Alors qu'Augustin va sur ses dix-sept ans, son père réussit à épargner suffisamment pour qu'il puisse reprendre ses études à Carthage. Il raconte le climat d'extrême sensualité de cette ville d'Afrique du Nord (« la chaudière des honteuses amours »), les plaisirs de l’amour et du théâtre :


« Veni Carthaginem, et circumstrepebat me undique sartago flagitiosorum amorum »

— Augustin14

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« Traduction : Je vins à Carthage où j'entendais crépiter autour de moi la friture des amours infâmes. »

On notera, au passage, le latin flamboyant d'Augustin, dans le style apprécié des Romains d'Afrique. Les jeux de mots et les chiasmes abondent, comme dans le passage très connu qui suit la phrase citée plus haut : « Nondum amabam sed amare amabam et secretiore indigentia oderam me minus indigentem. »


« Traduction : Je n’aimais pas encore, mais j’aimais aimer et par une indigence secrète, je m’en voulais de n’être pas encore assez indigent. »

Cet aspect de sa vie, évoqué avec une certaine complaisance, fait l'objet d'un jugement sévère d'adulte à l'endroit d'une psychologie adolescente.


« Je feignais d’avoir fait ce que je n’avais pas fait, pour n’être pas jugé d’autant plus méprisable que j’étais plus innocent et tenu pour d’autant plus vil que j’étais plus chaste15. »

Il connaît très jeune la femme avec laquelle il vivra pendant quatorze ans et de laquelle il aura un fils, Adéodat, dont il fait son interlocuteur dans le dialogue Du maître. C'était une pratique courante à l'époque, de prendre une concubine. Si l'on ne sait pratiquement rien sur la concubine d'Augustin, pas même son nom, on peut penser qu'elle était chrétienne par le choix du nom de leur fils, signifiant Don de Dieu. Il rencontre à Carthage des missionnaires manichéens, vraisemblablement perses : matérialistes, ils ont une approche littérale de la Bible. Celle-ci ne lui semblait pas avoir beaucoup de sens, et le manichéisme permet alors de répondre à ses attentes. Il rejoint ainsi cette société alors illégale et fonctionnant en un groupe fermé. Le manichéisme lui permet d'éliminer certains remords pour les mauvaises actions commises, dans la perspective qu'ils ne sont pas le fait de l'homme lui-même. Augustin se fait alors prosélyte de ce culte séduisant, et organise des débats dans les rues de Carthage, où il ridiculise les chrétiens. De retour à la maison, sa mère est choquée par sa nouvelle foi et refuse de le recevoir.

Augustin vise alors le professorat de rhétorique. Parmi les autres événements qui vont jouer un rôle important dans sa vie, on peut citer la lecture de l'Hortensius de Cicéron, qui suscite en lui un profond désir de sagesse et celle des Écritures, dont il juge le style plutôt grossier en comparaison de celui des auteurs latins. Il retourne à Thagaste en 375 et y enseigne la grammaire. À la suite d’un prix de poésie, il devint familier du proconsul de Carthage, Vindicius, qui, s’apercevant de la passion d’Augustin pour l’astrologie, parvient à l’en détourner en lui faisant voir que le succès de quelques prédictions n’est que le fruit du hasard :
« Puisqu’il arrive souvent, disait Vindicius, qu’en ouvrant à l’aventure le livre d’un poète avec l’intention d’y trouver quelque lumière dont on a besoin, on tombe sur tel vers qui s’accorde merveilleusement avec ce que l’on y cherche, bien qu’en le composant ce poète eût, sans doute, tout autre chose dans l’esprit, il ne faut pas s’étonner si, poussé par quelque instinct secret qui le maîtrise et sans même savoir ce qui se passe en lui, par pur hasard enfin et non par sa propre science, les réponses d’un homme s’accordent quelquefois avec les actions et les aventures d’un autre homme qui vient l’interroger. » — Les Confessions, Livre IV, Chap. 3.
Il écrit sa première œuvre, une œuvre d’esthétique, De Bono et Apto, aujourd'hui perdue, en 380. C'est aussi à ce moment qu'il commence à avoir des doutes envers les Manichéens, dont il trouve la doctrine simpliste. Il rencontre l'évêque manichéen Faustus (dit 'le lacet du diable'). Faustus admet, bien qu'il soit censé être très savant, être incompétent dans le domaine de l'astronomie. Décidément cette secte ne lui apportera pas la Vérité puisque son représentant, après avoir écrit tant de choses à propos du ciel, des étoiles et des éclipses, confesse son ignorance en la matière. Augustin quitte à ce moment Carthage pour Rome, l'imagerie hagiographique a fixé la scène de sa mère en pleurs sur les docks.