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哲学いろいろ

Le Conseil d'Etat bride*1 l'essor*2 du plaider-coupable

  • Le plaider-coupable*1n'est pas né en France sous les meilleurs auspices*2. En témoignent les deux décisions par lesquelles le Conseil d'Etat a annulé, mercredi 26 avril, une partie des circulaires du ministère de la justice encadrant la nouvelle procédure de jugement des délits*3, mesure phare de la loi Perben *4 sur la criminalité du 9 mars 2004. Le Conseil d'Etat refuse notamment que les policiers, dès l'enquête, puissent "s'assurer que les personnes sont susceptibles*5 d'accepter" un plaider-coupable devant le procureur*6 comme le voulaient ces textes.
  • La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) permet au procureur de proposer directement une peine à celui qui aura reconnu les faits, lui évitant un procès. Cette nouveauté visait, selon la chancellerie, à "alléger les audiences correctionnelles, diminuer les délais de jugement et conduire à des peines mieux adaptées et plus efficaces car acceptées". La procédure devait être économe : une fois l'aveu passé et l'accord conclu, la peine devait être homologuée*7 par un juge dans une audience à huis clos, hors la présence du parquet.
  • Mais, successivement, les trois plus hautes juridictions du pays en ont décidé autrement. Le Conseil constitutionnel, d'abord, a imposé, le 2 mars 2004, que l'audience au cours de laquelle le juge homologue l'accord sur la peine soit publique. La Cour de cassation*8, ensuite, a affirmé, le 18 avril 2005, que la procédure serait contraire à notre droit si le procureur n'était pas présent à l'audience d'homologation de la peine.
  • Le Conseil d'Etat, enfin, a confirmé ces analyses. Saisi par le Syndicat des avocats de France (SAF), il avait d'abord, le 11 mai 2005, suspendu les circulaires ministérielles, provoquant un grand flottement dans les tribunaux. De nombreuses juridictions attendaient la décision au fond pour commencer à utiliser la CRPC.
  • Le premier arrêt, qui annule la circulaire*9 du 19 avril 2005, intéresse surtout l'histoire : ce texte publié après l'avis de la Cour de cassation continuait de défendre une présence facultative du procureur lors de l'homologation du plaider-coupable. Le problème avait été réglé peu après l'arrivée du nouveau garde des sceaux, Pascal Clément : la loi du 26 juillet 2005 indique noir sur blanc*10 que la présence du procureur est facultative.

"L'AVEU, MAILLON FRAGILE"

  • L'annulation partielle de la circulaire générale du 2 septembre 2004 porte plus à conséquences. Le Conseil d'Etat rejette des dispositions qui créaient une sorte de phase préliminaire à la CRPC : "En prévoyant la possibilité pour un officier de police judiciaire de s'assurer auprès de la personne qu'elle est susceptible d'accepter une proposition de peine du procureur, et, au stade de l'enquête, qu'un procès verbal d'audition ou de convocation comporte une déclaration de reconnaissance préalable de culpabilité alors que les garanties légales ne trouvent pas à s'appliquer, le garde des sceaux a méconnu les dispositions légales", affirme le Conseil d'Etat.
  • "Chacun sait que l'aveu est l'un des maillons les plus fragiles de la chaîne pénale", avait noté dans ses conclusions le commissaire du gouvernement, Yann Aguila, "et les craintes sont grandes de voir la sincérité de cet aveu altérée par des pressions psychologiques ou par la perspective d'une peine allégée". Il ajoutait : "La CRPC débute dans le bureau du procureur et c'est à ce stade seulement qu'elle est entourée de toutes une série de garanties", notamment la présence obligatoire de l'avocat. Le même raisonnement conduit à annuler une disposition identique concernant les délégués du procureur (des citoyens membres d'associations habilitées par les tribunaux). Le texte "ouvrait la porte à toutes les pressions possibles", commente Hélène Masse, avocate du SAF. "On ne peut pas demander aux gens de donner leur accord avant qu'ils aient les garanties prévues par le législateur pour qu'ils puissent le faire !"
  • La chancellerie indique "prendre acte" de cette décision, considérant qu'"elle valide l'essentiel de la circulaire", mais aussi "qu'elle ne remet pas en cause la CRPC". De mars 2005 à mars 2006, 26 000 procédures de plaider-coupable ont été homologuées.

Lexique

  • Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Elle s'applique aux délits punis de cinq ans d'emprisonnement maximum. La procédure ne peut concerner les mineurs. Elle se déroule en deux étapes.
  • Première étape. La personne qui reconnaît les faits se présente avec son avocat devant le procureur, qui lui propose une peine. S'il s'agit d'une peine d'emprisonnement, elle ne peut excéder un an ni la moitié de la peine encourue. La personne peut demander un délai de réflexion de dix jours. Si elle refuse la proposition, elle comparaît selon d'autres voies (comparution immédiate, etc.). Si elle l'accepte, elle est aussitôt présentée devant le juge.
  • Deuxième étape. Le juge, en audience publique, vérifie la réalité des faits et la sincérité de l'accord, puis homologue ou non les peines. L'ordonnance d'homologation vaut condamnation. Elle est immédiatement exécutoire. Le condamné peut faire appel.

Nathalie Guibert
Article paru dans l'édition du 28.04.06

*1: Plaider coupable/non coupable.:Fonder sa défense, une plaidoirie sur la reconnaissance/non reconnaissance de la culpabilité

*2:Présage, circonstance qui annonce quelque chose de bon ou de mauvais.Au fig. Appui, protection

*3:Infraction à la loi, fait illicite punissable 〔sanctionné〕 par une peine.;Fait illicite de l'homme qui cause un dommage à autrui et entraîne réparation de celui-ci

*4:Loi Perben II:Loi portant sur l'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité — Wikipédia

*5:Qui, par nature et à l'occasion, peut subir ou faire quelque chose, devenir tel

*6:Représentant du Ministère public.

*7:Approuver, rendre exécutoire un acte, une décision.

*8:Action de casser un acte (mariage, testament), un jugement

*9:Écrit émanant d'un ministre ou d'un chef de service des administrations publiques et visant à fournir à ces services des directives pour l'application d'une réglementation

*10:Noir au blanc.:,,Impression dont le fond est noir et les textes et illustrations blancs. Il s'agit donc d'une inversion des valeurs d'une impression, c'est pourquoi le noir au blanc est souvent nommé «texte composé ou dessiné réclamé en inversion