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Charlottesville, révélateur des dysfonctionnements de la Maison Blanche

Les changements de point de vue de Donald Trump, ces derniers jours, tiennent en partie à son choix de s’entourer de groupes idéologiques concurrents.

LE MONDE | 17.08.2017 à 06h45 • Mis à jour le 17.08.2017 à 11h01 | Par Gilles Paris (Washington, correspondant)


Le président américain Donald Trump avant sa conférence de presse à la Trump Tower de Manhattan (New York), le 15 août.
Donald Trump a préféré prendre les devants. Confronté à une vague de départs à la suite de ses commentaires ambigus sur le drame de Charlottesville (Virginie), renvoyant dos à dos militants antiracistes et d’extrême droite, le président des Etats-Unis a annoncé, mercredi 16 août, qu’il mettait fin aux deux conseils économiques rassemblant des dirigeants de grandes entreprises mis sur pied à son arrivée à la Maison Blanche. Quatre jours après la mort d’une contre-manifestante antiraciste et alors que les anciens présidents George H. W. Bush et George W. Bush ont pris leur distance avec M. Trump, sans le nommer une seule fois dans un rare communiqué commun, le choc créé ne cesse de jouer comme un révélateur des dysfonctionnements et des tensions internes à la Maison Blanche.
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En changeant de point de vue à deux reprises en moins de vingt-quatre heures sur les événements de Charlottesville, M. Trump a mis ainsi en évidenve la tâche impossible de l’équipe chargée de sa communication, à la remorque de décisions prises à l’instinct. Vacante depuis le départ précipité du deuxième titulaire depuis janvier – Anthony Scaramucci, resté dix jours en poste –, la direction de cette équipe a été attribuée à Hope Hicks, une proche du président, sans autre expérience que sa participation à la campagne présidentielle, à titre intérimaire.
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Fractures internes
Cet amateurisme est aggravé par des fractures internes qui ne sont pas nouvelles et tiennent en bonne partie au choix de M. Trump de laisser cohabiter autour de lui des groupes concurrents. Cette latitude donnée a rendu impossible la tâche de son premier chef de cabinet, Reince Priebus, un ancien responsable de la plus haute instance du Parti républicain, congédié en juillet. Ce dernier a été remplacé par un ancien général des marines, John Kelly, à son tour confronté à ces divisions. Le drame de Charlottesville a accentué la pression sur l’un de ces camps, personnifié par le conseiller stratégique de M. Trump, Stephen Bannon, qui avait pris la direction de la campagne du candidat républicain à un moment difficile il y a tout juste un an, trois mois avant l’élection. La victoire inattendue du magnat de l’immobilier lui avait garanti un pouvoir considérable ; il avait été nommé concomitamment avec M. Priebus, sans qu’un ordre hiérarchique soit instauré entre eux.
Parce qu’il s’est vanté par le passé d’avoir donné une visibilité à l’« alt-right », le nouvel avatar de l’extrême droite américaine, par le biais du site d’informations controversé qu’il dirigeait, Breitbart News, M. Bannon est suspecté d’avoir joué de son influence pour que M. Trump ne limite pas ses condamnations à l’extrême droite après les événements de Charlottesville, même s’il ne s’agit que d’une hypothèse, écartée par le propre président.
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M. Bannon ne partage pas les thèses raciales de l’extrême droite, mais son nationalisme, notamment économique, le place en opposition directe avec un autre groupe de conseillers du président, souvent qualifiés dans la presse américaine de « New-Yorkais ». Ceux-là plaident pour une plus grande insertion des Etats-Unis dans la marche du monde ; le conseiller économique Gary Cohn, mais surtout le gendre du président, Jared Kushner, en sont les figures les plus proéminentes. Ces deux camps n’ont cessé de rivaliser auprès de M. Trump pour tenter d’imposer leurs points de vue. M. Bannon a ainsi été crédité de la décision du président, en juin, de quitter l’accord de Paris sur le climat.
« C’est un type bien. Il n’est pas raciste »
Le conseiller stratégique avait élargi son pouvoir, après l’arrivée de M. Trump à la Maison Blanche, en obtenant le droit de siéger au sein du Conseil de sécurité national lorsque ce dernier était dirigé par l’ancien général Michael Flynn, contraint à la démission pour avoir menti sur le contenu de discussions avec l’ambassadeur russe à Washington. Son remplaçant, H. R. McMaster, un autre militaire, a, lui, rapidement évincé M. Bannon de son Conseil, en avril.
Depuis quelques semaines, H. R. McMaster est devenu la cible d’une campagne alimentée par la droite radicale. Elle trouve son origine dans sa décision de limoger un membre du Conseil de sécurité nationale, Rich Higgins, auteur d’une note controversée publiée depuis par le site Foreign Policy. Cette note à tonalité complotiste mettait en garde contre l’influence d’un « Etat profond » hostile au camp nationaliste et à l’influence jugée néfaste des « New-Yorkais ». Ce départ s’est ajouté à celui d’au moins trois autres conseillers.
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Tour à tour, Donald Trump a été invité à s’exprimer sur les cas de H. R. McMaster, soutenu par les caciques républicains, et de Stephen Bannon. Le 10 août, à l’occasion d’un point de presse impromptu, il a décrit le général comme « notre ami, mon ami ». Mardi, M. Trump a évoqué son conseiller stratégique, absent. « C’est un type bien. Il n’est pas raciste », a dit le président, jugeant la presse « très injuste à son égard ». Pour autant, le président s’est montré évasif sur l’avenir de l’ancien responsable de Breitbart News. « Nous verrons », s’est-il contenté d’indiquer. Ces querelles internes s’étendent déjà au-delà de la Maison Blanche. Mark Meadows, le chef de file du Freedom Caucus – un groupe d’élus de la Chambre des représentants particulièrement intransigeants –, assure qu’un départ de M. Bannon fragiliserait le président auprès de sa base.
Donald Trump a donné des gages à cette base en apostrophant sans ménagement, le 10 août, le chef de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, figure de l’establishment du Parti conservateur stigmatisé par M. Bannon, alors que le président risque d’avoir grand besoin de lui pour faire avancer un projet de réforme fiscale cet automne. Ses tergiversations, tout comme ses atermoiements sur Charlottesville, risquent cependant de mécontenter ces deux factions, et de n’en satisfaire aucune.

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